Textes inédits

L'ombre du révisionnisme sur l'ouvre d'Ivo Andritch

 

Pre više meseci ISTINA je objavila apologiju NJegoša koju je 1997 godina izrekao Komnen Beæiroviæ u ondašanjem Jugoslovnskom kulturnom centru u Parizu, pobijajuæi hrvatske optužbe da je NJegoš bio genocidni pesnik. Ovoga puta donosimo njegovu apologiju Andriæa, izreèenu iste godine na istom mestu, u kojoj on totalno razara sliène optužbe francuskih bošnjaèkih propagandista i revizionista na raèun srpskog nobelovca koji je, po tamo njima, u svojim delima ocrnio doba turske vladavine u Bosni. Ovaj dosad neobjavljeni tekst Komnena Beæiroviæa donosimo utoliko pre što su te klevete na velikana naše i svetske književnosti ne samo i dalje na snazi, veæ i zato što izgleda da Komnen Beæiroviæ, uprkos njegovoj istrajnoj i nepokolebljivoj borbi za našu svetu srpsku stvar, zapada u sve dublju nemilost vladajuæe garniture u Beogradu, a da ne govorimo o onoj u Podgorici. Nije li, na primer, pravo èudo da Komnen Beæiroviæ, autor dve knjige o Kosovu i treæe koja veæ dugo èeka da ugleda sveta, kao i bezbroj tekstova na istu temu, može da govori o Kosovu na Sorboni, na Francuskoj televiziji, na Forumu za Francusku, u Narodnoj skupštini i u Senatu Francuske te u Udruženju strane stampe, a da ne može, veæ èitavih sedam godina, da govori o Kosovu ili o bilo èemu drugom, u Kulturnom centru Srbije u Parizu?!
Oèekujuæi rasvetljenje toga zaista neverovatnog paradoksa, skreæemo pažnju èitalaca ISTINE da se sabrani Beæiroviæevi radovi na srpskom i francuskom jeziku mogu naæi u antologiji na sajtu www.tvorac-grada.com, koji vodi pravi pregalac na polju srpske stvari, pesnik Nenad Živkoviæ.

Redakcija

Komnen Beæiroviæ

Version développée d’un exposé fait au Centre Culturel Yougoslave, le 18 décembre 1997, a l’occasion de la publication en français de l’ouvrage Signes au bord du chemin d’Ivo Andritch par les éditions L’Age d’Homme.
Mesdames, Messieurs, Chers Amis,
Lors de notre derniere soirée, il y a trois semaines, j’ai traité du révisionnisme dont a fait l’objet l’ouvre de Niégoch durant la guerre qu’ont mené, entre 1991 et 1995, les Croates et les musulmans bosniaques, les Etats-Unis d’Amérique et l’Union européenne, les Nations-unies et l’Otan, les Etats islamiques et les intellectuels parisiens – comment les oublierais-je – contre les Serbes. Et bien que cette guerre mondiale contre un peuple innocent soit finie depuis deux ans sur le terrain par l’écrasement des Serbes de Bosnie par l’Otan, elle se poursuit néanmoins par d’autres moyens, notamment par l’armement de la partie islamo-bosniaque en vue de la destruction de la République serbe; par le maintien des sanctions contre la Yougoslavie actuelle; par les manipulations électorales au Monténégro ainsi qu’en République serbe ou l’on s’efforce de dresser les Serbes les uns contre les autres; par les tentatives d’allumer la guerre au Kossovo; par l’insistance du Tribunal de La Haye a avoir son lot des accusés Serbes; par l’obstination des médias dans leur version mensongere des événements yougoslaves, ce qui prouve, si besoin en est, la nécessité de continuer notre combat, meme s’il est, ô combien, inégal.
J’ai choisi, donc, de vous entretenir ce soir du meme mal révisionniste qui s’est développé durant la derniere décennie a propos d’un autre géant de la littérature serbe et universelle, Ivo Andritch qui, d’ailleurs, a consacré plusieurs essais a Niégoch dont le plus fameux: Niégoch, héros tragique de l’idée de Kossovo.
Force est de constater qu’Andritch fut l’une des premieres victimes du côté des Serbes de la guerre imposée a ceux-ci par les islamo-bosniaques. Durant l’été 1991, alors que la propagande musulmane faisait rage en meme temps que se déroulaient dans l’ombre les préparatifs de guerre par les partisans d’Izetbegovic, le journal sarayévien Vox, connu déja par ses outrances antiserbes, publia un dessin d’Andritch empalé, un crayon bien pointu servant de pal, avec le commentaire accusant l’écrivain d’avoir présenté dans ses livres les musulmans bosniaques sous un mauvais jour et meme d’avoir prôné le génocide contre eux. Quelques jours apres la sortie de cette publication, le 1 juillet 1991, a 17 heures, un fanatique musulman, nommé Mourad Chabanovitch, armé d’un gros marteau pilon, s’attaqua au monument d’Andritch a Vichégrad, le détruisit sous l’oil complice d’un cameraman musulman et apparemment en jeta les débris dans la Drina.
Un mois plus tard, le 15 aout 1991, un groupe de quatre terroristes musulmans de Vichégrad prit, dans une voiture au coffre bourré d’explosifs, le chemin d’Herceg-Novi sur le littoral monténégrin, afin d’y dynamiter la résidence d’Andritch, transformée en musée depuis la mort de l’écrivain en 1975. Cependant l’action échoua a la suite d’un maniement malhabile de l’explosif par les terroristes dont deux périrent.

La profondeur du mal bosniaque

L’acte de vandalisme sur le monument d’Andritch a Vichégrad, qui fit monter la tension parmi les Serbes de la région, fut suivi, avec la reconnaissance internationale du régime islamiste d’Izetbegovic et la guerre qui en résulta, par une campagne contre l’écrivain dans les médias de Sarajevo. En accusant Andritch d’avoir calomnié les musulmans bosniaques et le régime ottoman, de les avoir satanisés, on y alla jusqu’a soutenir que l’ouvre d’Andritch n’était que la manifestation d’une “déviation sexuelle maniaco-sadique” et un simple “acte pathologique”. Les auteurs pervertissaient-ils ainsi la fameuse description faite par Andritch dans Pont sur la Drina de la sinistre pratique du supplice du pal qu’appliquaient couramment les musulmans sous le joug turc non seulement aux Serbes, mais aussi aux autres chrétiens des Balkans, les Grecs et les Bulgares. Les ouvrages comme Le Temps de la séparation d’Anton Dontchev, traduit en français sous le titre Les cent freres de Manol, ou les Mémoires du général Makrianis, l’un des chefs de la révolution grecque de 1824, livre également paru en français, l’attestent parmi mille autres témoignages.
Naturellement, tous ces événements concernant Andritch, ainsi que le fait que l’on ait privé l’écrivain de la rue portant son nom a Sarajevo, au moment ou cette ville allait etre promue par les intellectuels parisiens “capitale culturelle de l’Europe”, furent occultés par les médias occidentaux. Ceci pour la simple raison que la fameuse communauté internationale avait fondé toute sa politique bosniaque sur le theme d’une Bosnie idyllique, terre d’entente et d’harmonie séculaire entre Serbes, musulmans et Croates, et que les Serbes tchetniks, communistes, fascistes, urbicides et que sais-je encore, s’étaient employés a détruire cette harmonie.
Or, il ressort de l’ouvre d’Andritch que le mal bosniaque est beaucoup plus profond, qu'il plonge dans les siecles de l'occupation turque du pays, que les musulmans bosniaques ne sont point ces etres pacifiques, humanistes, libéraux et démocrates qu'une délirante propagande antiserbe ne cesse de présenter comme tels, mais bien des convertis fanatiques, des oppresseurs parmi les plus noirs et les plus cruels.
La servitude, la corvée – construction de forteresses, de ponts comme celui sur la Drina, de mosquées, souvent avec les matériaux des églises qu'ils devaient démolir de leurs propres mains –, l'arrachage de jeunes filles a leurs familles pour les besoins des harems, et des enfants mâles – le terrible tribut du sang – pour en faire de redoutables janissaires, les tetes serbes coupées et hissées sur les remparts de Travnik et d'autres villes bosniaques, le gibet, le supplice du pal, des insurrections impitoyablement réprimées, des régions entieres dévastées et les survivants contraints a l’exode vers la Krajina, vers la Dalmatie, vers le Monténégro pour y continuer la lutte, tel est le triste sort pluriséculaire que narre magistralement Ivo Andritch dans ses récits.
Il faut y ajouter les luttes entre les musulmans eux-memes, qui ensanglanterent la Bosnie entre 1820 et 1850, lorsque Djelaloudine pacha, peu avant sa désastreuse expédition contre la Moratcha en 1820, fit décapiter deux cents jeunes beys bosniaques de Srebrenica et de Mostar. Son successeur Abdourahim pacha fit pareillement avec les beys de Sarajevo dont il décapita une trentaine au cours d’une seule nuit. “Le pays tomba dans une affreuse anarchie, les tribus, les cités et souvent les familles se battirent entre elles…” écrit Cyprien Robert, grand slavisant de l’époque et professeur au College de France, dans son célebre livre Les Slaves de Turquie . C’est que les musulmans bosniaques, élément le plus rétrograde de l’Empire, s’étaient farouchement opposés, tout comme n’avaient cessé de faire les Albanais, aux réformes entreprises, sous la pression des puissances européennes, par le gouvernement turc. Ils considéraient ces réformes non seulement comme une atteinte a leurs privileges et a leur domination absolue sur les chrétiens, mais aussi comme un outrage a l’islam, allant jusqu’a traiter le sultan Mahmoud II de sultan ghiaour. L’un des buts proclamés des insurgés islamo-bosniaques dont une délégation, en 1831, se partit pour Istanbul, afin de se rendre compte sur place si le sultan était vraiment un musulman, notamment s’il avait subi la circoncision d’apres les prescriptions de l’Islam. Telles étaient des formes aberrantes qu’avaient pris l’apostasie en Bosnie . C’est finalement Omer pacha Latass, dont Andritch retrace l’histoire dans le roman du meme nom , qui réussira a briser la résistance de l’oligarchie féodale bosniaque, en faisant tuer un certain nombre de beys, et en envoyant plusieurs centaines d’entre eux enchaînés a Istanbul.

Sarajevo, ville d’intolérance, Bosnie, terre de haine

Contrairement a la fable d’une Bosnie idyllique, Andritch montre une Bosnie profondément déchirée et tourmentée. Il le dit sans ambages d’abord dans son roman La Demoiselle, paru en 1945, ou il décrit Sarajevo comme une ville ou les diverses communautés, musulmane, serbe, croate et israélite, dont la principale déterminante de chacune est naturellement leur religion, vivent dans un état d’opposition et de tension permanentes, chacun des adeptes des quatre religions voyant dans l’autre son contraire, sinon sa négation. Ainsi, loin d’etre cette cité idéale, la capitale culturelle de l’Europe, voire de la tolérance universelle, promue comme telle durant la guerre de Bosnie, par des bonnes âmes antiserbes de l’Ouest, Sarajevo, d’apres Andritch, est en fait un véritable chaudron de diable qui explosa lors du premier grand bouleversement, la guerre de 1914, lorsque se passe l’action du roman. Andritch écrit:
“A l’image de toute bonne ville orientale, Sarajevo a ses bas-fonds, une populace qui vit, pendant des décennies, retirée, dispersée et apparemment apprivoisée, mais qui, en de telles circonstances, selon les lois d’une chimie sociale mystérieuse, se regroupe en un éclair et explose comme un volcan tapi pendant des siecles, crachant le feu et la boue des passions les plus basses et libérant les appétits les plus vils. Cette masse, sous-prolétariat et petite bourgeoisie affamée, est constituée de gens différents par leurs croyances, leurs coutumes et leur habillement, identiques cependant par une cruauté intérieure innée, sournoise, alliée a la sauvagerie et a la bassesse de leurs instincts. Adeptes de trois religions principales, ils se haissent entre eux, de la naissance a la mort, viscéralement et aveuglément, transmettant cette haine au monde de l’au-dela qu’ils imaginent comme leur triomphe, leur gloire, et la défaite melée de honte pour leur voisin d’une autre confession. Ils naissent, grandissent et meurent dans cette haine, dans cette répulsion réellement physique pour ce voisin qui ne partage pas leur foi, passant tres souvent toute leur vie sans que s’offre a eux l’occasion d’extérioriser cette abomination dans toute sa force et son horreur; mais des que, lors d’un événement important, l’ordre est bouleversé, la raison et la loi sont suspendues pour quelques heures ou quelques jours, cette horde, ou plutôt l’une de ses composantes, ayant enfin trouvé une bonne occasion, se déverse sur cette ville, connue par ailleurs pour la courtoisie polie qui régit sa vie sociale et les mots affables de son parler. Cette haine longtemps contenue et cette soif de destruction et de violence, qui jusque la dominaient sournoisement les sentiments et les pensées, éclate a la surface; telle une flamme qui a longtemps cherché et enfin trouvé sa nourriture, elles envahissent la rue et en prennent possession, crachant, mordant, brisant, jusqu’a ce qu’une force supérieure les contienne ou jusqu’a ce que leur fureur se consume et s’épuise d’elle-meme. Elles battent alors en retraite, tels des chacals la queue basse, et se retirent dans les âmes, les maisons et les rues, ou, des années durant, elles vivent a nouveau cachées, affleurant seulement aux regards torves, aux expressions fielleuses et aux gestes obscenes.
La rage haineuse de cette ville, entretenue au fil des siecles par diverses institutions religieuses, favorisée par les conditions climatiques et sociales, nourrie par l’histoire, éclatait, s’abattant maintenant sur les quartiers modernes de la ville, construits selon des conceptions nouvelles, pour un ordre de choses et un comportement différent ”.
Comme on le voit, non seulement les phénomenes sociaux, ethniques et religieux, mais également climatiques – Sarajevo se trouvant dans une cuvette – ont influé sur la formation de mentalité de ses habitants. Et il a fallu une grotesque simplification ou un besoin impérieux de trouver un bouc émissaire pour tous les maux de Sarajevo et de Bosnie, ou pour ses propres turpitudes, pour accuser les Serbes d’en etre la cause. Du reste Andritch revient dans un autre de ses écrits, notamment dans Une lettre de 1920, figurant dans le recueil Titanic et autres contes juifs, a ce phénomene de haine et d’intolérance qui tourmente la Bosnie. Le docteur Max Löwenfeld, descendant des immigrés autrichiens, fuyant a jamais cette terre de haine qu’est la Bosnie, écrit au narrateur:
“La Bosnie est un pays de haine et de peur. Laissons de côté la peur, qui n’est qu’un corollaire de cette haine, son écho naturel […] Il est certain qu’il y a en Bosnie et en Herzégovine plus de gens prets a tuer et se faire tuer dans des acces de haine inconsciente, pour diverses raisons et sous divers prétextes, que dans d’autres pays, slaves ou non, plus peuplés, beaucoup plus vastes […] Oui, la Bosnie est pays de haine. C’est cela la Bosnie […] Et de meme que le sol sur lequel nous vivons passe dans nos corps sous l’influence de l’humidité et de la chaleur atmosphériques, leur donne leur couleur et leur aspect et détermine le caractere et l’orientation de notre genre de vie et de notre comportement, de meme la haine, puissante, souterraine et invisible, sur laquelle vit le Bosniaque, entre insensiblement et de façon détournée dans tous ses actes, meme les meilleurs. Partout dans le monde les vices engendrent la haine, car ils consomment sans rien créer et détruisent sans rien construire, mais dans un pays comme la Bosnie, les vertus elles-memes parlent et agissent souvent a l’instar de la haine” .
Andritch illustre cet antagonisme séculaire entre diverses communautés par le fameux passage de la sonnerie des heures nocturnes provenant de divers édifices religieux et marquant autant le temps qui s’écoule que les différences entre les adeptes des trois religions:
“Quand on reste jusqu’au matin tout éveillé dans son lit, on entend tous les bruits de la nuit a Sarajevo. Pesamment et surement, l’horloge de la cathédrale catholique de Sarajevo sonne deux heures. Une minute plus tard (soixante-quinze secondes exactement, j’ai compté), sur un timbre un peu plus faible mais pénétrant, l’horloge de la cathédrale orthodoxe sonne ses deux heures. Un peu plus tard, la tour de l’horloge de la mosquée du Bey sonne a son tour, elle sonne onze heures, onze heures turques spectrales, conformément aux comptes étranges de pays situés a l’autre bout du monde! Les Juifs n’ont pas d’horloge pour sonner, et seul un dieu méchant sait quelle heure il est maintenant selon leurs comptes différents, d’une part pour les ashkénazes, d’autre part pour les séfarades. Ainsi, meme la nuit, quand tout dort, dans le décompte des heures creuses du sommeil, veille la différence qui divise ces gens endormis; ces gens qui, a l’état de veille, jeunent et font ripaille selon quatre calendriers différents et inconciliables et envoient vers le meme ciel leurs voux et leurs prieres dans quatre langues liturgiques différentes. Et cette différence, tantôt de façon visible et ouvertement, tantôt de maniere invisible et sournoise, ressemble toujours a la haine et se confond parfois tout a fait avec elle”.
Malheureusement, les événements, a trois reprises au cours du XXe siecle, confirmerent la vision cruellement lucide qu’avait donnée Andritch de Sarajevo et de Bosnie. La premiere fois lorsque, a la suite de l’assassinat par un étudiant serbe, Gavrilo Princip, de l’archiduc François-Ferdinand, le 28 juin 1914 a Sarajevo, la populace de cette ville se tourna contre les institutions et les magasins serbes en meme temps que les autorités déclencherent une vague de persécution des Serbes. Quant a l’acte de Gavrilo Princip, membre de l’organisation Mlada Bosna (“La Jeune Bosnie”) réunissant aussi des musulmans et des Croates, il ne visait tant la personne de l’archiduc que le symbole de l’occupation de la Bosnie par l’Autriche.
La deuxieme fois, quand lors de l’entrée des troupes allemandes a Sarajevo, mi-avril 1941, la foule musulmane et croate les accueillit en liesse, en faisant le salut hitlérien le bras tendu, mais en élargissant les cinq doigts de la main pour faire comprendre aux Allemands qu’ils étaient leur cinquieme colonne. Et ensuite la foule de se livrer au pillage des magasins serbes et juifs sans épargner la grande synagogue séfarade dont on arracha meme la toiture en cuivre, tandis que les livres sacrés ont été entassés dans la cour et livrés aux flammes. Toute la Bosnie se transforma en un théâtre de crimes les plus épouvantables, perpétrés par les oustachis croates et bosniaques contre les Serbes et les Juifs, exterminés ou déportés massivement dans les camps de concentration.
Enfin, la troisieme fois en 1992, suite a la violation par Alija Izetbegovic des accords de Lisbonne sur une Bosnie tripartite, et a la reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine par l’Union européenne et les Etats-Unis, comme Etat indépendant, malgré l’opposition des Serbes, les musulmans et les Croates se leverent de nouveau contre les Serbes. Des bandes armées, conduites par des anciens repris de justice, tel Juka Prazina, que les médias occidentaux saluaient comme un Robin des Bois, mais qui, plus tard fut liquidé par les siens, s’adonnerent a une véritable chasse aux Serbes.
Le plus incroyable, c’est que, lors de la derniere explosion de cette haine, que fut la guerre entre Serbes, Croates et Musulmans, de 1992 a 1995, la prétendue communauté internationale en fit porter aux Serbes toute la responsabilité, alors qu’il s’agissait de toute évidence de cette fatalité bosniaque dont précisément parle Andritch.

La kabbale parisienne antiserbe avec Paul Garde tente d’altérer l’ouvre d’Andritch

En fait les responsables politiques et médiatiques de l’Ouest, ont fait une tres mauvaise approche historique et psychologique de la Bosnie. Au lieu de se référer a un auteur comme Andritch, ils l’ont simplement occulté de sorte que, lorsque Belfond s’appretait a publier la nouvelle traduction du Pont sur la Drina et de La Chronique de Travnik, il se trouva devant le risque de contredire de telles autorités sur la Bosnie que sont Bernard-Henri Lévy, Alain Finkielkraut, André Glucksmann, Pascal Bruckner, Patrick Wajsman, Bernard Kouchner, Gilles Hertzog, Jacques Julliard, Françoise Giroud, Véronique Nahoum-Grappe et autres idolâtres des islamo-bosniaques, qui exerçaient alors une véritable terreur sur l’opinion en France. Admettre que des etres aussi paisibles, aussi démocrates, aussi tolérants, aussi divins que les musulmans bosniaques aient jamais opprimé les Serbes et que, de plus, ils se soient déchirés entre eux, eut été pour eux le plus grand des blasphemes. Le fait qu’Andritch est un classique, qu’il avait été originaire de Bosnie et qu’il avait gagné son prix Nobel précisément pour la puissante évocation du passé tourmenté de son pays d’origine, n’avait nulle espece d’importance, tant était totalitaire le climat instauré par la clique nommée ci-dessus, dans la patrie des Droits de l’Homme.
Alors on eut recours a un stratageme: afin de neutraliser cette vérité trop défavorable aux angéliques musulmans bosniaques et trop favorable aux démoniaques Serbes, qui se dégage naturellement de l’ouvre d’Andritch, l’éditeur confia la présentation au public français des livres d’Andritch a deux antiserbes notoires, le professeur de lettres et publiciste croate d’origine ukrainienne, Predrag Matvejevitch, et un professeur de russe en retraite a l’Université d’Aix-en-Provence, Paul Garde. C’était, surtout dans le cas de ce dernier, compte tenu de l’étendue de son aberration antiserbe, un peu comme si l’on avait confié a l’époque a Georges Marchais le soin d’initier le public français a L’Archipel du Goulag de Soljénytsine.
Jamais au cours de sa carriere universitaire de linguiste, Paul Garde n’avait publié un ouvrage et meme pas un article traitant de l’histoire de l’ex-Yougoslavie, avant qu’il fît paraître son gros bouquin mensonger Vie et mort de la Yougoslavie, en 1992, s’autoproclamant ainsi l’historien des peuples yougoslaves aux dépends du plus important entre eux, les Serbes. Jugez de la compétence de Paul Garde en la matiere d’apres ces quelques titres de ses principaux travaux: Le conditionnel en vieux slave dans les prépositions finales et complétives (1961), Verbes indéterminés et verbes itératifs dans les langues slaves (1965), Les propriétés accentuelles morphemes dans les langues slaves (1968), Histoire de l’accentuation slave (1976) etc., tous ces écrits étant plus ou moins des brochures, excepté le dernier. Et on se demande par quelle aberration le vieux grammairien a la voix stridente, au front dégarni et au regard caché derriere des lunettes, a pu se transformer en un véritable fléau sévissant contre un peuple dont il a tant enseigné la langue. Ses articles dans les journaux et ses interventions a la télévision, réclamant les frappes aériennes de l’Otan, autrement dit la destruction et la mort des Serbes, témoignent d’un engagement des plus aberrants durant ce conflit.
En fait, Paul Garde se comporte non pas en historien tant soit peu objectif, mais en activiste, en militant quasi fanatique de la cause islamo-bosniaque, voire en pousse-au-crime contre les Serbes. Prenons au hasard l’un de ses articles, par exemple celui intitulé En finir avec Radovan Karadjitch, paru dans Le Monde du 8 juin 1995, et qui constitue franchement un appel a l’anéantissement de la République serbe. Celle-ci reconnue de facto par les Etats-Unis et l’Union européenne, le sera de jure quelques mois plus tard a Dayton, ne l’est cependant pas par le grammairien Garde qui ameute la communauté internationale contre les Serbes de Bosnie. Il développe toute une argumentation qui a pour but de faire honte a l’Onu a cause de sa prétendue inaction. Il écrit:
“La ‘RS’ de Karadjitch est une création monstrueuse, contraire, par son existence meme, aux principes du droit international, née de la guerre et pour la guerre, n’ayant d’autres frontieres que des fronts et d’autre fondement que le nettoyage ethnique et l’apartheid, vingt fois condamnée pour ces actes par des résolutions de l’Onu, coupable d’innombrables massacres, gouvernée par des criminels de guerre. Elle est un dangereux foyer d’infection au cour de l’Europe”.
Avec un tel militantisme en faveur d’une partie dans un conflit séculaire, il est évident que toutes les considérations de Paul Garde sur Andritch ne peuvent avoir aucune valeur ni crédibilité. Toujours est-il que les deux présentateurs d’Andritch s’exécuterent a la plus grande satisfaction de la kabbale parisienne antiserbe. Predrag Matvejevitch qui se targue d’etre spécialiste et meme disciple d’Andritch, fit preuve de simple hypocrisie, se livrant dans sa postface au Pont sur la Drina, qui parut en 1994, a des généralisations sur Andritch sans mot dire sur le livre lui-meme, sur ses temps forts, comme le tribut du sang ou le supplice du pal, pour la simple raison que les victimes y étaient les Serbes. Autant parler des Juifs durant la Seconde guerre mondiale sans mentionner l’Holocauste. Aussi, le lecteur cherche-il en vain dans le texte du postfacier, intitulé “Ils ne peuvent détruire les ponts d’Andritch”, qui étaient ces “ils”, avant que le lecteur conclue que ce ne pouvaient etre que les Serbes, compte tenu de la psychose générale qui régnait alors a leur encontre. Le procédé de Matvejevitch est d’autant plus inqualifiable qu’il avait rédigé sa postface au lendemain de la destruction du fameux pont ogival de Mostar par les Croates, en octobre 1993.
Paul Garde, lui, dans sa préface a La Chronique de Travnik, en 1996, s’adonna ouvertement au discours révisionniste, en commençant par remettre en question l’appartenance d'Andritch a la littérature serbe, comme si celui-ci ne s'était pas déclaré, notamment dans une lettre fort connue de 1942, sans nulle ambiguité, “auteur serbe”. Et comme si la majeure partie de l'ouvre d'Andritch n'était pas écrite dans la variante ékavienne ou orientale de la langue serbe, le reste l'étant dans sa variante iékavienne ou méridionale. Certes, Paul Garde le reconnaît, quoiqu'il insinue que cette derniere serait exclusivement croate ou bosniaque – chose surprenante de la part d'un linguiste qui devrait savoir que la quasi totalité de la poésie épique populaire serbe est en iékavien, y compris l'ouvre du plus grand poete serbe, Niégoch.
Naturellement le malheureux commentateur d'Andritch, le grammairien Garde, ne tarde pas a accréditer la these de certains auteurs islamo-bosniaques, comme Muhsin Rizvic , selon laquelle Andritch aurait noirci le régime turc. Garde écrit:
“Mais depuis quelques années son ouvre a été vivement contestée par certains musulmans bosniaques, qui lui reprochent d’avoir médit de leurs ancetres et de l’Empire ottoman. Il est bien vrai que l’historiographie actuelle a tendance a nuancer le jugement tres sombre qui a longtemps été porté sur ce régime, et qui se retrouve chez Andritch”.
Et le professeur en retraite, mué en fléau des Serbes, d’accuser ceux-ci d’avoir mené “le nettoyage ethnique […] jusqu’a son terme pour la premiere fois dans l’histoire de ce pays”, d’avoir “mis fin a la cohabitation séculaire des communautés” bosniaques, d’avoir “détruit tout ce que Andritch avait aimé et décrit” et meme d’avoir provoqué la guerre entre les musulmans et les Croates en 1993. De quoi prémunir le lecteur français d’Andritch contre toute compassion envers les Serbes!
Ce faisant, Garde se garde bien de mentionner le moindre crime commis par les musulmans sur les Serbes, le moindre camp de concentration ou ceux-ci ont été enfermés, la moindre ville ou le moindre village ou ils ont été massacrés ou contraints a la fuite. Et pourtant il y a eu des massacres des Serbes de Sarajevo dont des milliers ont été précipités dans le gouffre de Kazani, comme vient de le reconnaître, dans un long reportage, le New York Times du 12 novembre dernier. Des massacres épouvantables perpétrés par les milices musulmanes, conduites par Naser Oric, commandant de Srebrenitsa, ont eu lieu dans Bosnie orientale dans les régions de Bratounats, de Kravitsa et de Kamenitsa ou, d’apres l’aveu d’Oric lui-meme au général Philippe Morillon, on ne laissait pas des prisonniers . A Srebrenitsa meme, sur laquelle les bonnes âmes ont versé les flots des larmes, les musulmans locaux ont promené des tetes serbes coupées sur des pics, ressuscitant une sinistre pratique de l’époque turque. Nulle trace chez Garde non plus de terribles camps islamo-bosniaques de Konits et de Vissoko ou des centaines de Serbes, hommes et femmes, ont été détenus dans des conditions des plus effroyables.
Ainsi, lorsqu'il cite, se référant a un témoin aussi peu fiable que l'est le journaliste américain Roy Gutman, expert en satanisation des Serbes couronné par le prix Pulitzer, le fait que les Serbes aient fait partir 3463 musulmans de la ville de Vichégrad, Garde ne dit point que 25 000 Serbes ont été chassés de Mostar, 100 000 de Sarajevo, 250 000 de la Krajina et peut-etre tout autant de la Bosnie occidentale a la suite de la guerre aérienne de l'Otan contre les Serbes, en automne 1995. Et s'il avoue, certes a contre-cour, que les musulmans ont démoli le monument d'Andritch a Vichégrad, ce n'est que pour en rendre encore responsables les Serbes.
Paul Garde occulte totalement l’existence de deux ouvrages qui furent particulierement fatals a la Yougoslavie: Déclaration Islamique d'Alija Izetbegovic et L'Impasse de la vérité historique de Franjo Tudjman, parus tous deux en 1989, qui constituaient de véritables profession de foi: islamiste et oustachie. Et alors que l’ouvrage de Tudjman, a cause de son caractere révisionniste et raciste faisait l’objet de nombreuses critiques dans la presse européenne et américaine, Garde feignait de l’ignorer et s’employait a dénoncer le Mémorandum de l’Académie serbe, un écrit tout a fait évangélique comparé aux écrits de Tudjman et d’Izetbegovic.

Les grands témoins sur la Bosnie, Ivan Majouranitch, Frano Youkitch,
Ami Boué, Cyprien Robert, ignorés par “l’historien” Paul Garde

Voila a quel genre d’auteur on a confié la présentation d’Andritch en France. Il y a pire: le slavisant qu'est Paul Garde, prétendant disserter sur Andritch et sur le passé de la Bosnie, s’obstine a ignorer, dans le but d'atténuer l'effet révélateur d'Andritch sur le lecteur français, de grands auteurs classiques tels que le poete croate Ivan Majouranitch qui, dans sa magnifique épopée La Mort de Smail-aga Tchengitch (1846), chanta, cent ans avant Andritch, les souffrances indicibles de la raya chrétienne, serbe et croate en Bosnie-Herzégovine sous la férule islamo-turque. L'ouvrage existe en français dans l'excellente traduction de l'un des grands slavisants du siecle dernier, Céleste Courriere, l'auteur d'une fort connue Histoire de la littérature contemporaine chez les Slaves, parue en 1879.
Si, cependant, on peut considérer l’ouvre de Majouranitch comme une synthese poétique de la terreur qu’exerçait les islamo-bosniaques sur la raya chrétienne, d’autres auteurs contemporains autochtones en donnent une vision semblable. Ainsi le célebre pretre franciscain Ivan Frano Youkitch, auteur d’une Géographie et Histoire de la Bosnie (1851), qui insiste sur les causes profondes du mal bosniaque.
“Les beys bosniaques tirent leur origine de mauvais chrétiens qui ne surent conserver leurs privileges qu’en se convertissant en islam”, écrit-il. “La nouvelle foi leur assurait leurs biens et leurs richesses, les exonérait de tout haratch et tribut, leur permettait toute action coupable de sorte que, sans aucun travail ni effort, ils pouvaient vivre en maîtres” .
Pas plus que l’on ne trouve dans l’introduction de Paul Garde a Andritch, nulle trace des auteurs serbes et croates, on n’y trouve non plus aucune mention des auteurs étrangers ayant écrit sur la Bosnie, fussent-ils aussi importants que le sont François-Charles-Hugues-Laurent Pouqueville, célebre historien de la Grece, qui lors de son passage par la Bosnie et la Serbie, en 1806, vit une multitude des tetes des Serbes décapités par les musulmans bosniaques, sinistrement orner la ville de Novi Pazar; ou bien Ami Boué, médecin et géologue, homme d’une vaste culture, auteur d’une véritable encyclopédie des Balkans de l’époque, La Turquie d'Europe ; ou encore Cyprien Robert, professeur au College de France, qui a son tour composa une somme de l’histoire des peuples slaves des Balkans, intitulée Les Slaves de Turquie, ou il associa également les Albanais.
C’est que tous ces auteurs, poetes ou historiens, slaves ou étrangers, donnent raison a Andritch: loin d'etre un paradis multiethnique, la Bosnie ottomane était plutôt un enfer, en particulier pour les Serbes chrétiens orthodoxes. Il suffit de citer a cet égard ce passage du livre de Cyprien Robert, qui résume bien d’autres témoignages sur le régime esclavagiste en Bosnie au XIXe siecle. En évoquant la question agraire et la situation de la raya, il écrit:
“Les tchiftliks étaient des fermes dont le seigneur devenait le propriétaire absolu, comme dans la primitive féodalité. Le maître du tchiftlik […] pouvait a son gré chasser les habitants ou les pressurer arbitrairement. Partout ou cet infernal systeme fut appliqué, il excita l’horreur des raias […] Les raias, foulés aux pieds, n’eurent plus d’autre propriété que celle de leur corps: tout spahi qui passait pres de leurs cabanes se faisait héberger et nourrir par eux; il pouvait employer leurs chevaux pour un jour de marche sans etre obligé de les payer, il pouvait meme accabler de coups le raia, qui n’osait répondre, car, tous les musulmans étant sacrés, il y avait peine de mort pour le ghiaour qui aurait frappé l’un d’eux. […]
Cet état est encore actuellement celui des raias de la Bosnie” .
Et Cyprien Robert de décrire des humiliations que font subir les convertis slaves en islam, les potourtcheniaks a leurs coreligionnaires d’autrefois, Serbes et Croates:
“Ce sont en effet les descendants des renégats qui exigent avec le plus de rigueur l’accomplissement de toutes les prescriptions vexatoires que l’islamisme fait peser sur les raias. Ces malheureux ne peuvent avoir d’élégantes demeures, ni de riches habits, ni de belles moustaches, ornement dont le Serbe est si fier. S’ils rencontrent un musulman en voyage, ils doivent descendre de cheval et lui céder le haut de la route, quand meme il leur faudrait, pour cela, s’enfoncer jusqu’aux genoux dans la fange. Rarement le spahi est assez bon pour crier au raia: iachi, more! reste a cheval, pauvre diable! Le cri menaçant de s’iachi, descends de ta monture, est bien plus souvent proféré” .
Andritch rapporte dans sa these de doctorat sur la Bosnie que cette obligation humiliante, l’une des nombreuses imposées aux chrétiens et aux juifs depuis les débuts de l’islam , fut abolie en Bosnie seulement en 1850 par Omer-pacha Latass, briseur de la révolte de l’oligarchie des beys bosniaques contre la Porte. Les formes grotesques que prenait le systeme esclavagiste turc en Bosnie, sont démontrées, par exemple, par le fait que les chrétiens orthodoxes et catholiques ne pouvaient meme pas songer a doter de cloches leurs églises, tellement le son en était blessant pour les oreilles musulmanes. Et lorsque enfin, en 1860, par l’habileté du pretre franciscain et poete Grga Martitch, on dota, pour la premiere fois depuis l’occupation turque au XVe siecle, de cloches l’église de Sarajevo, ce fut a condition que le son en soit assez peu audible afin pour ne pas déranger les musulmans en priere. Et meme cette condition remplie, les femmes musulmanes se mirent a faire du vacarme, en battant les uns contre les autres leurs vaisselles de cuivre afin d’assourdir le tintement de cloches si insupportable aux mahométans .
On comprend bien qu’Ami Boué, en vrai humaniste, face a un systeme si injuste, ait été incité a émettre des propositions afin d’améliorer le sort des chrétiens balkaniques dont il avait pu constater les souffrances lors de ses voyages dans les Balkans. Il écrit:
“Il ne s’agit pas seulement ici de diminuer les impôts et de distribuer la justice plus équitablement, de payer les juges au lieu de faire dépendre leurs émoluments des parties, mais il faut de plus délivrer les chrétiens des spahis ou redevances seigneuriales, de toutes les corvées, des exactions illégales ou extraordinaires, des vexations et des violences des paschas et de leurs agents. […]
Il faut que le culte des chrétiens soit libre, qu’ils puissent bâtir des églises ou ils veulent sans avoir a mendier et payer les permissions. […]
Il faut que les propriétés chrétiennes soient respectées, leurs femmes et leurs pretres traités avec égard, et le haratch ou impôt avilissant du rachat de sa tete, remplacé par une taxe territoriale. […]
Les paschas devraient etre des hommes instruits, de haute portée, et non ignorants, ne sachant ni lire ni écrire, et ne pensant qu’a s’enrichir par tous les moyens les plus odieux” .
Citons encore ces passages de la pétition qu’adresserent, en 1858, les Serbes d’Herzégovine aux consuls des puissances chrétiennes, et que reproduit le diplomate et l’historien, l’inégalable traducteur de l’Epopée de Kossovo, le baron Adolphe d’Avril dans son livre Voyage sentimental dans les pays slaves. C’est un véritable cri de désespoir:
“Nous, malheureux habitants de Drobniak, de Piva et de Charantsi, nous vous mandons que l’honorable Kiani-pacha nous a écrit de nous rendre chez lui. Nous y serions allés certainement, mais nous ne l’osons pas, parce que nous craignons que les ‘potouritsé’ (c’est-a-dire les indigenes devenus musulmans) ne nous massacrent lorsque nous serons en route, et aussi que le Pacha ne nous emprisonne.
Si les malheureux chrétiens se sont mis en armes, c’est par l’effet des oppressions et des exactions de ces Turcs maudits et malfaisants qui nous ont ravi et qui ont mangé tout ce que nous avions, qui ont profané nos églises, qui insultent notre religion, et principalement qui prennent de force nos femmes et nos sours […] C’est l’exacte vérité.
[…] Nous n’osons pas aller chez le pacha, si vous ne nous conseillez pas d’y aller. On assure bien que Kiani-pacha est le fidele serviteur du sultan, et qu’il est juste comme un pere; mais nous craignons, car nous savons que, lorsque les malheureux chrétiens se soumettent, les Turcs coupent la tete a la moitié d’entre eux et gardent les autres en prison pour qu’ils se rachetent par une forte rançon. Pour l’amour de Dieu et du nom chrétien, venez a notre secours!”
Voila ce que Paul Garde, de connivence avec ses amis islamo-bosniaques, voudrait nous faire passer pour de l’entente séculaire multiethnique, sinon pour le paradis ottoman en Bosnie ou, en tout cas, ce qu’il nous demande de nuancer.

Le journaliste Marc Semo fait détruire le pont sur la Drina par les Serbes

Naturellement, et on l’a déja vu, il n’y a pas que Paul Garde pour tenir un tel discours, car il suffit de lire également les articles consacrés aux livres d’Andritch dans des journaux tels que Le Monde et Libération, pour se rendre compte a quelles rodomontades, a quelles prouesses, a quelles manigances doivent s'adonner les auteurs de ces textes afin d’éviter de parler de l'essentiel dans l'ouvre d'Andritch: le calvaire des Serbes de Bosnie sous l’occupation turque.
Ainsi Marc Semo, en présentant Pont sur la Drina dans Libération du 21 avril 1994, va jusqu'a accuser les Serbes d'avoir détruit le pont historique au début de la Premiere guerre mondiale. Il écrit notamment: “Le pont ne résistera pas a cette guerre de 14 née de l'irruption des nationalismes. Les canons de Serbes le détruisent et leurs troupes entrent dans la ville”.
A part l’absurdité que les troupes serbes, pour occuper la ville de Vichégrad, auraient traversé la Drina a la nage, puisque ayant auparavant détruit le pont, le fait est que le pont a résisté aux canons serbes, mais c'est Marc Semo, professionnel de la satanisation des Serbes, qui n'a pas résisté a la tentation d'accabler ces derniers, meme lorsqu'il n'en existe nulle raison, et au risque de tromper le lecteur sur telle ou telle scene du livre d'Andritch. Car le pont du grand vizir Mehmed-pacha Sokolovitch sur la Drina, n'a jamais été détruit, mais seulement endommagé durant l’été 1914 au début des hostilités déclenchées par les Autrichiens. Ceux-ci ayant placé de l'explosif dans la septieme pile du pont afin d'empecher de communiquer les Serbes des deux côtés de la Drina, c'est cette septieme des dix piles du pont, qui sauta lors de la riposte serbe aux attaques autrichiennes. Mais laissons parler Andritch lui-meme:
"Ces bombardements qui durerent une dizaine de jours ne causerent pas de dégâts tres importants. Les obus heurtaient les piles lisses et les voutes arrondies, y ricochaient et explosaient en l'air sans laisser sur les parois de pierre d'autres traces que de légeres éraflures blanches, a peine visibles"
Et lorsqu'un obus atteint la pile remplie d'explosif, Andritch poursuit: "La kapia était a sa place, mais juste apres elle, le pont était coupé. Il manquait la septieme pile; entre la sixieme et la huitieme béait un vide par lequel on apercevait, en biais, les eaux vertes de la riviere. A partir de la huitieme pile, le pont continuait jusqu'a la rive opposée, lisse, régulier, blanc, comme il était la veille et depuis toujours” .
Apres la libération, en 1918, les Serbes ayant réparé les dégâts, la seule fois ou le pont immortalisé par Andritch faillit etre détruit, c'est durant le présent conflit serbo-islamique lorsque le meme Paul Garde et consorts n'eurent de cesse de réclamer des bombardements stratégiques contre les Serbes, sans épargner le pont d’Andritch sur la Drina, pour empecher de communiquer, par un retour de la malédiction antiserbe, le meme peuple des deux côtés du fleuve. Le plus extraordinaire, c'est que, aussi bien Marc Semo que Paul Garde, admettent qu'Andritch avait considéré la Bosnie comme terre de haine et l'avait décrite comme telle, mais qu'ils réussissent en se livrant a force d'acrobaties ou par des affirmations arbitraires défiant toute logique et toute réalité historique, a rendre les Serbes coupables de tous les maux passés et présents de la Bosnie-Herzégovine, ainsi que de l'ex-Yougoslavie.

Ne pas laisser Andritch en proie aux imposteurs

Heureusement pour les lecteurs qui seraient a juste titre rebutés a l’idée d'entrer dans l’ouvre d'Andritch a travers l'écran de fumée révisionniste de Paul Garde, il existe d’autres traductions des livres d’Andritch, notamment de La Chronique de Travnik, des Temps d’Anika, de La Cour maudite, et a présent des Signes au bord du chemin, publiés par les éditions l’Age d’Homme. L’ouvre du prix Nobel y est proposée au lecteur telle quelle, sans nul intermédiaire qui tendrait a l'influencer. C’était également le cas des traductions d’Andritch parues dans les années soixante chez Plon.
Comme les éditions Belfond, cédant a l'antiserbisme régnant, ont, hélas, laissé faire Paul Garde qui, tout autant par ce qu'il dit que par ce qu'il occulte, se fait l'avocat de la barbarie turque dans les Balkans, faut-il s'attendre a ce que ce dernier pousse prochainement la dérision jusqu'a demander, avec le reste de la clique antiserbe, a ce qu'Andritch soit privé a titre posthume de son prix Nobel pour avoir “calomnié” cette barbarie? Rien n’est exclu, puisque le professeur émérite de grammaire Paul Garde s’est fait nommer pour ses exploits de satanisation des Serbes, expert en Histoire aupres du Tribunal de La Haye. Récemment encore, il a donné de ses nouvelles en accusant dans un article du Monde, le ministre de la Défense, Alain Richard, d’outrages a magistrat parce que le ministre avait osé, comble de sacrilege! qualifier la justice de La Haye, de justice-spectacle.
Il est évident que les ennemis du peuple serbe, apres l’avoir blessé dans son corps par d’innombrables massacres, déportations et usurpations de territoires, tentent aujourd’hui de le blesser dans son âme en le dépossédant de son héritage historique et culturel. Le mois dernier, un journal islamo-bosniaque affirmait que toute l’histoire serbe ne relevait que de la mythologie et que les héros de la poésie épique serbe n’étaient que des bandits de grand chemin, des hors-la-loi naturellement par rapport au régime esclavagiste turc qu’ils avaient combattu.
Et voici un autre exemple qui prouve la gravité de la situation ou se trouve le peuple serbe. Récemment, lors de la conférence sur l’or nazi a Londres, les journalistes s’ingénierent a passer sous silence pres d’un million de victimes serbes martyrisées et spoliées par les oustachis, ne parlant que de quelques dizaines de milliers de victimes juives ou tsiganes. La moralité: les Serbes n’ont pas souffert des fascistes ou des communistes, pas plus qu’ils n’ont souffert des musulmans. D’ailleurs leur quasi-absence du Livre noir du communisme, récemment paru, n’est que trop éloquente.
Tout ceci montre l’immense importance d’Andritch dans le combat pour la vérité serbe, a plus forte raison que c’est précisément sur les événements de Bosnie que le monde a basculé dans l’horreur antiserbe. Si cependant Andritch n’a pu empecher la tragédie bosniaque pour la simple raison que l’on s’est obstiné dans l’ignorance du grand chantre de la Bosnie qu’il est, il pourrait contribuer a ce que l’âme du monde se libere de l’imposture bosniaque, a ce qu’elle guérisse et se purifie du mensonge antiserbe dont elle est polluée.
C’est pourquoi, il ne faut pas laisser Andritch en proie aux imposteurs ou en victime de ses détracteurs; a chacune de leurs tentatives d’occulter, de calomnier, de dénaturer Andritch ou de l’accaparer, il faut opposer la défense d’Andritch.
Cet exposé en est la tentative.


(1) Les Slaves de Turquie. Serbes, Monténégrins, Bosniaques, Albanais et Bulgares, Paris 1844, t.II, p. 71.
(2) Cf. Jovan Tsviyitch, La Péninsule balkanique, Paris 1919.
(3) Belfond 1992.
(4) Ivo Andritch, La Demoiselle, traduction de Pascale Delpech, Robert Laffont 1981, pp.84-85.
(5) Ivo Andritch, Titanic et autres contes juifs, Belfond 1987.
(6) Muhsin Rizvic, Les Musulmans bosniaques dans l’univers d’Andritch, Ljiljan, Sarajevo 1995.
(7) Cf. Philippe Morillon, Paroles de soldat, Balland 1996, p.72.
(8) Cité par Ivo Andritch, ”Die Entwicklung des geistigen Lebens in Bosnien unter der Einwirkung der türkischen Herrschaft“, [Le développement de la vie spirituelle en Bosnie sous le regne turque], These de doctorat soutenue a l’Université de Graz en 1924, in: Cahiers de la Fondation Ivo Andritch, I, Belgrade 1982, p.60.
(9) Ami Boué, La Turquie d’Europe, I-IV, Paris 1840.
(10) C. Robert, Op. cit., t.II, pp. 10-11.
(11) Ibid, pp. 11-12.
(12) Voir la grande étude de Bat Ye’or, Juifs et chrétiens sous l’islam, Berg International, Paris 1994.
(13) I. Andritch, Op. cit., p. 86.
(14) Ami Boué, Op. cit., t.IV, pp.182-184.
(15) Cyrille [Adolphe d’Avril], Voyage sentimental dans les pays slaves, Paris 1876, pp. 45-47.
(16) Ivo Andritch, Pont sur la Drina, Belfond, Paris 1994, p.322.
(17) Ibid, page 392.