Textes inédits

APOLOGIE DE NIÉGOCH
traité de chantre du génocide par la propagande croate
(1991-1995)

Conférence faite au Centre culturel yougoslave à Paris, le 25 novembre 1997.

Komnen Becirovic
ИСТИНА број 190; Беч, 27. март 2008.

 

Odbrana Njegoša od hrvatskih klevetnika

Prošlo je skoro 11 godina godina odkako je Komnen Bećirović jednim svojim predavanjem održanim, 25 novembra 1997 u Jugoslovenskom kulturnom centru u Parizu, izrekao ovu svoju apologiju Njegoša, koju ISTINA objavljuje. Radi se o odgovoru Komnena Bećirovića na optuzbe trojice francuskih Hrvata, doktora medicine Mirka Grmeka, profesora prava Marka Đidare i višeg činovnika Nevena Simca, koji su u svojoj knjizi na Etnicko čišćenje – Dokumenti o jednoj srpskoj ideologiji, objavljenoj 1993. u Parizu, izneli optužbe protiv Njegoša, Vuka Karadžića, Jovana Cvijića i niza znamenitih Srba, kao i protiv tvoraca nekih srpskih narodnih pesama, da su svojim delima zagovarali i propovedali etničko čišćenje, istrebljenje, navodno miroljubivih i nevenih muslimana, ali isto tako miroljubivih i nevinih Šiptara i Hrvata na srpskom geografskom prostoru. Uzimanjem iz konteksta nekih Njegoševih stihova iz Gorskog vijenca, zatajivanjem drugih, trojica hrvatskih opadaća su predstavili Njegoša ništa manje nego kao genocidnog pesnika.
Komnen Bećirović je upravo izvrgao ruglu takva «tumačenja» Njegoša time što je pokazao do koje su mere najveći Hrvati, medu kojima hrvatski prosvetitelji Ljudevit Gaj i Stanko Vraz, pesnici Ivan Mažuranić, Petar Preradović, Vladimir Nazor, Gustav Krklec, Milivoj Slaviček, te književni istoricari Josip Pasarić, Antun Barac, Marin Franičević i drugi, veličali, slavili i do nebesa uzdizali Njegoša, čak više nego sami srpski autori. On ne zaboravlja ni biskupa Štrosmajera koji je omladini preporucivao Njegoša kao obaveznu lektiru, ni naravno najvećeg hrvatskog vajara Ivana Meštrovića čije je divljenje Njegošu bilo kobno, jer je dovelo do rušenja Vladićine zavetne crkve na Lovćenu i samog lovćenskog vrha, kako bi se tu mogla postaviti Meštrovićeva statua Njegoša u sklopu jednog grozomornog zdanja zvanog mauzolej. Podsetimo da je Komnen Bećirović pocetkom 70-ih pokrenuo svetsku kampanju za spas Njegoševe zadužbine na Lovćenu, kao i nacionalnu kampanju za njenu obnovu početkom 90-ih, cemu je upravo posvećena njegova knjiga Borba za Lovćen Njegošev, objavljena 2002 u izdanju Svetigore.
Pored ove Apolgije Njegoša , Komnen Bećirović je autor i jedne Apologije Andrića, pošto je srpski nobelovac Ivo Andrić, bio predmet satanizacije od strane Bošnjaka - jer je navodno ocrneo doba turske vladavine u Bosni - kao što je Njegoš bio predmet satanizacije od strane Hrvata. ISTINA će objaviti tu apologiju u jednom od svojih narednih brojeva.

Redakcija ISTINE


Komnen Becirovic au milieu des années 90.

Mesdames et Messieurs, chers amis,
J'aurais préféré vous parler ce soir de tel ou tel aspect historique, littéraire ou philosophique de l'śuvre de Niégoch d'autant que cette année 1997 est une année jubilaire, puisque 150 ans se sont écoulés depuis la parution de l'śuvre majeure de Niégoch, Gorski vijenac , La Couronne de la montagne , en 1847. Mais c'eût été un luxe car la nécessité, hélas, exige que je vous parle de ce qui est arrivé à Niégoch durant le drame yougoslave, et plus particulièrement de ce qui est arrivé à Niégoch à Zagreb et à Paris. Et il lui est arrivé de faire l'objet, avec l'ensemble de son peuple, de la satanisation. Oui, alors que les Serbes de Croatie, de Krajina, de Slavonie, de Bosnie-Herzégovine avaient été soumis à des persécutions, aux massacres, leur combat pour la survie étant qualifié d'agression, et alors qu'en même temps les Serbes de Serbie et du Monténégro se trouvaient enchaînés par des sanctions économiques et autres, Pierre Petrovitch Niégoch et Vouk Karadjitch, étaient jetés en pâture dans la capitale française, malgré le fait qu'ils soient déjà enseigné à la Sorbonne depuis plus d'un siècle. Qui plus est, Paris fut au début des années 70, la capitale internationale de la défense du mont Lovtchène, des écrivains français, comme André Malraux, Gabriel Marcel, Jean Cassou, Pierre Emmanuel et d'autres, ayant élevé leur voix en faveur de ce haut lieu lié à jamais à la mémoire de Niégoch, alors menacé.
C'est au printemps 1993, alors que l'opinion publique en France et en Occident avait été grandement montée contre les Serbes, que trois intellectuels croates vivant en France et n'ayant nul rapport avec la littérature, un médecin biologiste, Mirko Grmek, un professeur de droit, Marc Gjidara et un haut cadre administratif, Neven Simac, publièrent aux éditions Fayard un gros volume, intitulé Le Nettoyage ethnique. Documents historiques sur une idéologie serbe . C'était en fait, la compilation, la version habilement adaptée au public français d'un ouvrage de propagande sorti sous le titre Les sources de l'agression serbe, un an plus tôt à Zagreb.

Mirko Grmek, Marc Gjidara, Neven Simac avec la couverture de leur livre calomniant certains des plus grands hommes du peuple serbe, parmi lesquels Niegoch.

Les grands hommes de l'histoire serbe et européenne, tels que Karageorges, qui, en 1804, souleva les Serbes et par là les autres chrétiens des Balkans contre les Turcs; Vouk Karadjitch, génial réformateur de la langue, historien de la révolution serbe, qui provoqua l'admiration de l'Europe littéraire, en lui faisant découvrir les trésors de la poésie épique serbe; enfin Pierre Petrovitch Niégoch, prince-métropolite du Monténégro, barde national serbe et l'un des plus hauts destins de l'époque moderne, tous les trois, avec bien d'autres Serbes illustres du XIX e et du XX e siècles, étaient présentés dans l'ouvrage des trois calomniateurs, comme les porteurs et les inspirateurs des nombreux péchés dont on accusait alors les Serbes, à savoir l'hégémonie, l'impérialisme, l'agression, l'ultranationalisme, le communisme, le fascisme, l'intolérance, la cruauté et en particulier le nettoyage ethnique. Il convient de signaler que ce dernier terme a été forgé et lancé par un haut fonctionnaire du Département d'État américain, Georges Kenney en 1992, alors un redoutable fauteur de guerre, mais qui s'est repenti depuis et a même prononcé son mea culpa.
Même les héros de la poésie populaire serbe qui sont entrés dans le panthéon des grands héros de l'humanité, comme Marko Kraliévitch et Miloch Obilitch, sur lesquels se sont exprimés nombre d'auteurs européens, de Goethe et Mickiewicz à Mircea Eliade et Marguerite Yourcenar, étaient traités de sauvages, de violents et de cruels par trois enfants de chśur croates. Qui plus est, parmi des milliers de poèmes serbes, ils en avaient déterré un seul aux accents antisémites afin de pouvoir accuser les Serbes d'antisémitisme.
C'est en pervertissant, en sortant de leur contexte historique ou en tronquant des textes de Vouk et de Niégoch, mais aussi d'Ilya Garachanine, qui élabora un programme national serbe, de Yovan Tsvyitch, grand géographe et ethnologue qui enseigna un temps à la Sorbonne, de Dobritsa Tchossitch, considéré comme le Tolstoï serbe de nos jours et de bien d'autres, sans oublier naturellement le Mémorandum de l'Académie serbe, que les trois manipulateurs réussirent à présenter tous ces textes comme autant de preuves d'ultranationalisme serbe, d'appels à la création de la Grande Serbie, à l'exclusion et à l'extermination.
Ainsi Niégoch y apparaît comme le chantre du génocide, ses exhortations au combat contre les Turcs oppresseurs, comme autant d'«invectives contre l'islam» et «la glorification des meurtres», les guerriers monténégrins comme de cruels paysans, les Turcs plutôt comme des êtres paisibles sur lesquels s'abat la terreur injustifiée des sauvages serbes, et la Couronne de la montagne, śuvre majeure de Niégoch, comme, je cite, «un véritable bréviaire de la haine interethnique».
Si les trois dénigreurs mettent en évidence certains vers, écrits à l'époque où se déroulait la lutte sans merci entre les Serbes et les Turcs, comme le fameux

«Notre combat ne prendra fin
Qu'avec l'extermination turque ou la nôtre»,

Борби нашој краја бити неће
до истраге наше али турске,

des vers que les trois humanistes croates jugent «terrifiants», par contre, ils en occultent d'autres où précisément se manifeste la magnanimité des Monténégrins, ainsi que leur promptitude à pardonner à leurs frères égarés, prêts au repentir. En voici l'exemple: le voïvode Batritch raconte au prince-évêque Danilo, le fondateur de la dynastie Petrovitch, l'élimination par les Monténégrins de leurs compatriotes apostats à la veille du Noël 1702, en ces termes:

«Autant que s'étend la plaine de Cétigné,
Nul témoin ni personne n'échappa,
Même pour dire ce qui leur arriva,
Sans que nous ne mettions sous notre sabre
Chacun qui refusa de revenir à son ancienne foi;
Mais celui qui accepta de vénérer Noël,
Et de se signer de la croix chrétienne,
Nous le traitâmes comme notre propre frère.
Nous incendiâmes les maisons turques,
Pour que l'on n'ait nul souvenir ni trace
De notre infidèle mal coriace.»

Колико je равнога Цетиња
не утече ока за свједока,
ни да каже како му je било,
те под сабљу своју не метнусмо
који ли ce некће покрстити;
који ли ce поклони Божићу,
прекрсти сe крстом христјанскијем,
узесмо га са својега брата.
Куће турске огњем изгорјесмо,
да сe не зна ни стана ни трага
од невјерна домаћега врага.

Or, trois vers essentiels:

«Mais celui qui accepta de vénérer Noël,
Et de se signer de la croix chrétienne,
Nous le traitâmes comme notre propre frère.»

који ли се поклони Божићу,
прекрсти се крстом христјанскијем,
узeсмо га за својега брата,

ces vers sont tout simplement gommés par trois faussaires croates de la citation sans aucune indication afin de présenter Niégoch comme un monstre d'inhumanité et les Monténégrins comme des barbares.
Force est de constater que sur 2819 vers que compte La Couronne de la montagne, les trois malheureux exégètes de Niégoch n'aient trouvé à en reproduire que 26, et encore d'une façon fallacieuse, tout cela pour accuser Niégoch de ne pas avoir pratiqué l'humanisme à la Bernard-Henri Lévy et consorts. Non seulement outré par de tels procédés, mais atteint dans mon intégrité d'homme de culture et de patriote, j'ai consulté une foule d'auteurs étrangers, en particulier français, comme Ami Boué, Cyprien Robert, Xavier Marmier, François Lenormant, Saint-René Taillandier, Adolphe d'Avril, Auguste Dozon, Charles Yriarte, Céleste Courrière, Claude Fauriel, Louis Leger, tous d'importants auteurs sur les Balkans ou slavisants, qui depuis plus de 150 ans ont traité de l'histoire et des lettres serbes, et je n'y ai trouvé que des choses essentiellement favorables et même élogieuses. J'ai consulté également une multitude d'auteurs croates durant la même période, et là j'ai été particulièrement récompensé, puisque j'ai pu constater leur admiration unanime envers le barde serbe.

Le poète national serbe Pierre Petrovitch Niégoch, prince-métropolite du Monténégro.
Les plus grands hommes de la nation croate, Ljudevit Gaj, Ivan Mazuranic, Josip Juraj Strossmayer, Josip Jelacic, Petar Preradovic, Vladimir Nazor, Gustav Krklec, Antun Barac, Ivan Mestrovic, entre autres, ont célébré Niégoch comme un dieu.

En fait, les Croates opprimés depuis le Moyen-âge par leurs maîtres germaniques et hongrois, voyaient dans le Monténégro une terre de liberté quasi mythique et dans leur souverain qui, de plus, était poète, presque un dieu. Ceci d'autant que l'on se trouvait alors en pleine renaissance croate, connue sous le nom du Mouvement illyrien avec Ljudevit Gaj, homme politique et auteur, en tête. Et c'est justement l'un des membres les plus éminents de ce mouvement, Mato Topalovic qui, le premier, composa une fervente ode à Niégoch lors de l'arrivée de celui-ci à Vienne, le jour de l'An 1836. Né en 1813, Niégoch avait alors 23 ans et se distinguait d'un aspect et d'une allure qui forçaient l'admiration. L'ode que Topalovic au nom de la jeunesse illyro-slave remit à Niégoch dans la maison de Vouk Karadjitch où se passa la rencontre, commence en ces termes:

«À peine notre oreille a-t-elle entendu
La nouvelle de Ton arrivée dans la cité impériale
Que déjà notre poitrine est remplie du souhait
De Te voir, glorieux Toi, soleil de notre nation!»

Још нам ни ухо није добро чуло
Од Твог у столниј овај град прихода,
Већ нам с' по персих жељање просуло
Видјети славног Тебе Сунце Рода!

Pour exalter, ensuite, l'amour et l'entente entre les Slaves, le rôle qui y incombe à Niégoch, en lui souhaitant que la main de Dieu le conduise dans toutes ses entreprises, que les anges de Dieu l'accompagnent partout, qu'il voit éclore un siècle d'or pour les Slaves, pour terminer avec la conviction que Niégoch vivra à jamais:

Ho већ ce види: навјек ћеш живјети!

Un autre poète croate, contemporain de Niégoch, Ljubomir Grga Martic, prêtre franciscain, originaire d'Herzégovine, lui aussi est l'auteur d'une longue ode à Niégoch, écrite lors du second voyage de prince-métropolite à Vienne en 1844. Ardent patriote, Grga Martic exprime également sa foi en la mission slave de Niégoch, le met au-dessus de grands héros balkaniques, tels que Skanderbeg et Janos Hunyadi, magnifie le Monténégro, terre de “liberté céleste” et finit par une longue bénédiction au souverain monténégrin.
Si Ivan Mazuranic, le plus grand poète croate, qui fut aussi un important homme d'État, puisque ban de Croatie, n'écrivit pas des louanges à Niégoch à proprement parler, il témoigna d'une autre façon de son admiration envers Niégoch et envers le Monténégro. Il s'inspira notamment pour son grand poème, La Mort de Smaïl-aga Tchengitch (1845), de l'événement qui eut lieu sous le règne de Niégoch, à savoir la défaite qu'infligèrent les Monténégrins, le 5 octobre 1840 à Mlétitchak, près du mont Dourmitor, au redoutable Smaïl-aga Tchengitch, le bey de Gatsko, qui y périt avec sa suite de plusieurs centaines de cavaliers.
Smaïl-aga s'était d'abord attiré l'inimitié de Niégoch en tant qu'oppresseur des Serbes d'Herzégovine, en particulier de ceux de la région de Drobniak qu'il avait achetée avec toute sa population à un autre seigneur féodal turc; en outre il avait fait périr lors de la bataille de Grakhovo entre les Monténégrins et les Turcs, en 1836, plusieurs proches cousins de Niégoch y compris deux de ses propres frères. Ils étaient tous de jeunes gens dont Smaïl-aga avait fait exhiber les têtes coupées sur les remparts de la ville de Gatsko.
C'est alors que Niégoch en collaboration avec les chefs de Drobniak, Novitsa Tseérovitch et Chouyo Karadjitch dont les pères étaient décapités par les Turcs, organisa la perdition de SmaÏl-aga lorsque celui-ci vint en grande pompe lever le tribut, le fameux haratch , sur la population de Drobniak. Smaïl-aga qui avait installé son camp sur le plateau de Mliétitchak fut attaqué par environ 400 guerriers venus de la région de Drobniak et de la Moratcha.
Ce sont ces événements, littérairement transformés par Ivan Mazuranic, qui constituent la trame de son poème, considéré comme le chef-d'śuvre de la littérature croate. On y trouve en particulier la grandiose figure du Prêtre sous les traits duquel certains commentateurs de Mazuranic reconnaissent Niégoch lui-même, d'autres son prédécesseur, le métropolite Pierre I er, et d'autres encore l'archimandrite Dimitry du monastère Moratcha, mêlé de plus près à l'événement; en effet, ce fut ce prêtre qui donna sa bénédiction aux guerriers de Moratcha et de Drobniak avant leur attaque du camp turc.
Le courage de ces gens, leur sacrifice pour la foi chrétienne dans les Balkans subjugués par l'islam et face à une Europe ignorante et égoïste, sont exaltés ainsi par Mazuranic:

«Ah, si les peuples du monde voyaient
De leurs plaines, d'où il n'y a pas de vue,
Cette croix glorieuse, invincible,
Qui se dresse au sommet du Lovchène vers le ciel;
Et s'ils savaient comment le monstre turc,
Tentant de l'engloutir dans son hideux gosier
Se casse vainement les dents contre ce rocher
Ils ne resteraient pas leurs bras mous croisés
Pendant que vous peiniez pour la croix,
Ni ne vous traiteraient de barbares
Vous qui mouriez pendant qu'ils dormaient.»

La cime sacrée du Lovtchène exaltée par le barde croate Mazuranic.

Ах, да виде свијета пуци остали
Из низина, откуд вида нејма,
Крст ов' славни, непобијеђен игда,
Врх Ловћена, што ce к небу диже;
Па да знаду како неман турска,
Грднијем ждријелом прогутат га радећ,
О тe крши зуб свој заман крши:
Не би троме прекрстили руке,
Док ви за крст подносите муке,
Нит би зато барбарим ве звали,
Што ви мросте док су они спали.

Il existe deux traductions en français du poème de Mazuranic, l'une par le célèbre slavisant Céleste Courrière, parue dans La Revue Britannique en 1878 à Paris, l'autre par Petar Pekitch, parue en 1926 à Zagreb et dédié à Franchet d'Espèrey, maréchal de France et voïvode d'armées serbes.
Poursuivons cette série d'hommages par les Croates au barde monténégrin, par la citation du célèbre sonnet de Petar Preradovic, écrit, en 1870, à la gloire de Niégoch, et qui commence ainsi:

«Du haut de l'horizon du Monténégro,
Ta tombe resplendit aux quatre coins du monde
Et, puisque tu es la fierté de ta nation,
Toutes ses branches s'inclinent vers ta tombe.»
Y comprit la branche croate naturellement.

Y comprit la branche croate naturellement.

Црне Горе с високог видика
Гроб ти сијева нa све четир' стране
И, ти будућ свога рода дика,
Рода све му клањају ce гране.

Et après avoir loué Niégoch de s'être élevé par son esprit splendide au-dessus des tsars et des bans, Preradovic poursuit:

«Comme homme, souverain et poète
Tu auras été l'homme du ciel pour ta race
Et ton nom brille parmi les astres.»

Као човјек, к'о владар и пјесник,
Роду своме био си небесник,
Име с'ја ти у небеса кр'jесу.

En continuant ce florilege de textes a la gloire de Niegoch, arretons-nous sur deux des plus celebres poetes croates de notre siecle, Vladimir Nazor et Gustav Krklec. Lors de la restauration par le roi Alexandre de la chapelle de Niegoch au sommet du Lovtchene et du retour des cendres du poete dans leur haute solitude, en 1925, Vladimir Nazor publia, dans le Messager litteraire serbe (Srpski knjizevni glasnik) un vibrant hommage qu'il conclut ainsi:

«Nous baignons constamment dans ta forte lumiere
Et par ton aile nous sommes tous hisses
Haut, au-dessus des hommes et des choses.»


Купамо свеђ сe у твом свјетлу јаку,
И, твојим крилом уздигнути, сви смо
Високо, изнад људи, изнад ствари.

C'est simplement magnifique! Et Gustav Krklec dans le même numéro du Messager littéraire serbe, exprime son admiration envers Niégoch en ces termes:
«J'ai vu des rochers nus parmi lesquels est né Niégoch, les murs déserts parmi lesquels il a écrit La Couronne de la montagne , et la cime déserte et dénudée du Lovtchène où se trouve sa tombe.
Le plus grand poète yougoslave a vécu comme le Promethée enchaîné et est mort comme un ermite.
[…] Personne jusqu'à présent n'a percé la vie mystérieuse de son âme; personne n'a pénétré dans la profondeur de ses révélations ni dans les bas -fonds du sang et du combat avec soi-même.
Le mont Lovctchène est fier de sa tombe, de même que l'est le monde slave tout entier et toute l'humanité éclairée aux pieds du Lovtchène.»

Le sommet du Lovtchène dans sa gloire d'autrefois.

Citons enfin un poète croate de nos jours qui se trouve être l'ambassadeur actuel de la Croatie en Pologne, Milivoj Slavicek, qui dans un poème intitulé Mon Pierre Petrovitch Niégoch , composé en 1978, écrit ces vers, on ne peut plus laudatifs:

«Je ne le vois pas, il est déjà quelque part dans les temps
Mais ai nous l'entendons tous:
Il est l'une des lumières dont se compose notre âme.»

Не видим га, он je ве h негдје у временима
али сви га чујемо: једно од свјетала
од којих ce састоји наша душа.

Les auteurs, les critiques littéraires et les historiens de la littérature croate sont également, tout comme les poètes, prodigues en éloges de Niégoch, et il nous faudrait non pas une mais plusieurs soirées pour en faire un simple choix. Je me bornerai cependant plusieurs d'entre eux, en commençant par le père de la critique littéraire croate et l'un des animateurs du Mouvement illyrien, Stanko Vraz qui, dans la revue illyrienne Danitsa (Astre du jour) du 15 mai 1847, salua la parution des śuvres majeures de Niégoch, La Couronne de la montagne , parue cette même année, et Le Flambeau du microcosme , publiée en deux ans plus tôt, en des termes les plus enthousiastes: «Ces poèmes, le produit d'un immense talent poétique, sont pleins des pensées profondes, des couleurs vives et des images sublimes». Il insista justement sur l'image grandiose du combat qui se déroule entre Monténégrins chrétiens et leurs frères apostats islamisés, avant de conclure que “notre poésie tout entière ne possède point de telles śuvres.» C'est en cette même année qu'un autre membre important du Mouvement illyrien, Stevan Pejakovic, relate, dans une lettre à Ljudevit Gaj, en termes exaltés sa rencontre avec Niégoch: «J'ai été chez lui plusieurs fois, et peux vous dire qu'il m'a infiniment plu. Il parle de vous avec enthousiasme et l'on a pu entendre à plusieurs reprises ce faucon de notre peuple vous rendre un hommage appuyé, affirmer que la cause des Croates était sacrée et que pour lui ils étaient les premiers.»
Pareillement s'exprime Josip Pasaric qui publia en 1884, dans la revue Vienac (XVI) qu'il dirigeait, un essai sur Niégoch où il glorifie le Monténégro comme la terre qui engendre non seulement des héros sur le champ de bataille, mais aussi des héros spirituels à l'instar de Niégoch: «La première place parmi ces héros de l'esprit et de la plume est occupée par l'immortel poète de La Couronne de la montagne , l'évêque Pierre Petrovitch Niégoch, écrit-il. Il réunit en lui les vertus de grands hommes : la noble vocation de l'homme, la sagesse du souverain et le génie du poète» et plus loin: «L'esprit héroïque, la varie vertu, la fidélité inébranlable, la générosité altruiste du cśur, le courage gigantesque se reflètent dans La Couronne de la montagne , comme dans un miroir.» Pour conclure: «Niégoch est également un grand poète par ses réflexions ! Celles-ci sont aussi profondes et si universelles que l'on pourrait les comparer parfois aux pensées de Shakespeare et de Gśthe.»
Lors du centième anniversaire de la naissance de Niégoch, en 1913, célébré tant à Zagreb qu'à Belgrade, Djuro Surman, professeur et historien des Lettres, futur ministre de l'Education dans le gouvernement yougoslave, rappela avec ferveur, dans Savremenik (VIII), mensuel des écrivains croates, des liens entre le barde serbe et les Croates, notamment le culte que lui vouaient les Illyriens, l'existence du grand poème de Mazuranic qui n'eût jamais vu jour sans l'événement provoqué par Niégoch, les projets qu'il nourrissait d'affranchissement des Slaves du Sud dont il fit part à ban Jelacic, mais que que celui-ci n'eut pas l'audace d'acquiescer pour la simple raison qu'il avait été nommé par Vienne à la tête de la Croatie.
Niégoch et les Croates , c'est précisément le titre d'un essai que publia, en 1948, Marin Franicevic, dans son recueil Les auteurs et les problèmes, et qui résume les précédents hommages des Croates à Niégoch en tant qu'éveilleur de leur conscience nationale. Il écrit: «C'est du sein du Monténégro de Niégoch, alors le seul foyer de liberté et notre première ligne de combat, où le combat pour la liberté nationale s'identifiait avec celui contre les oppresseurs étrangers et contre la noblesse islamisée, et où l'idée de la liberté se révélait comme la question de l'existence même, qu'ait pu se faire entendre, dans les moments les plus lumineux d'essor du peuple entier, de façon si profondément humaine et artistiquement si haute, seulement un génie comme l'était celui de Niégoch.»
Et voici, après cet hommage croate à Niégoch, prophète de libération nationale, un jugement, émis par Antun Barac, important essayiste et historien de littérature, sur Niégoch poète universel tel qu'il apparaît dans son śuvre majeure, La Couronne de la montagne, que Barac qualifie, à l'instar de tant d'autres, ainsi: «Tout en restant dans le cadre de la réalité de son temps, Niégoch élargit son śuvre jusqu'aux horizons humains universels. Un événement apparemment sans trop d'importance dans la suite infinie des conflits entre les chrétiens et les Turcs, Niégoch l'a traité de telle façon que son śuvre reflète le combat cosmique du bien et du mal, de la lumière et des ténèbres, de la liberté et de l'oppression. Et Niégoch dans ce combat est, sans nul compromis, du côté du bien.»
Je dois vous dire encore, et j'en aurai terminé avec les critiques croates sur Niégoch, que j'ai puisé certaines informations que je vous ai données, dans un texte très complet et très fouillé de l'essayiste croate Emil Stampar sur Niégoch, paru dans la revue littéraire Prilozi, (Contributions) en 1965 à Belgrade. Et comme Emil Stampar cite une bibliographie très riche, il m'a mis sur la piste de nombreux travaux des auteurs croates sur Niégoch.
Nous sommes cependant loin d'en avoir fini avec le thème Niégoch et les Croates, car je serais incomplet si je ne vous rappelais que l'un des plus importants écrivains croates, romancier, poète, essayiste, Miroslav Krleza, fût couronné en 1967 du Prix Niégoch, la plus haute distinction littéraire yougoslave d'alors. D'autre part, le plus grand sculpteur croate, Ivan Mestrovic ne cessa, lui aussi, à travers ses śuvres de rendre hommage à Niégoch, en déclarant dans une lettre, qu'il s'est inspiré dans son travail d'artiste de cela même dont s'était inspiré Niégoch lui-même: «…la justice, la liberté et la dignité de l'homme et du peuple». Hélas, cette ferveur tourna mal, et se solda par la destruction et la profanation, sur l'ordre de Tito, de la chapelle funéraire de Niégoch au sommet du Lovtchène pour y ériger un mausolée aussi lugubre que gigantesque d'après le projet et avec la statue de Niégoch, exécutée par Mestrovic.
Des hommes d'État, comme Jelacic et des hommes d'Eglise croates, comme l'évêque Strossmayer, ne sont pas, eux aussi, en reste de leur admiration envers Niégoch. Ainsi le ban Jelacic, qui correspondit avec Niégoch en 1849, déclara après la mort du prince-évêque du Monténégro, en 1851: «C'était le plus grand et le meilleur homme que notre nation ait jamais donné ». Et quant à Strossmayer, il mettait La Couronne de la montagne au-dessus de toute autre śuvre littéraire yougoslave et estimait que tout jeune homme devait s'imprégner de sa lecture.

Viktor Novak

Je pourrais vous en rapporter tout autant, sinon davantage, en citant toujours des auteurs croates, pour la défense de Vouk Karadjitch, comme je viens de le faire pour la défense de Niégoch. Je me bornerai cependant à vous signaler à cet effet, les écrits de deux plus grands slavisants croates, Vatroslav Jagic et Toma Maretic, qui se considéraient comme les disciples de Vouk, et je vous recommanderais en même temps l'ouvrage monumental Vuk i Hrvati (Vouk et les Croates) par l'historien croate Viktor Novak. Il est également l'auteur du célèbre ouvrage Magnum Crimen , la première somme du génocide perpétré sur les Serbes par les oustachis durant la Seconde guerre mondiale. Viktor Novak est l'une des consciences croates et européennes de ce siècle.
L'ensemble de ce que je viens de vous communiquer appelle plusieurs considérations. Tout d'abord on voit Niégoch continuer à partager le sort de son peuple durant la dernière guerre, tout comme ce fut le cas dans le passé, notamment lors des épreuves que la nation serbe traversa durant la Première guerre mondiale et sous le communisme. En effet, par deux fois en l'espace d'un demi-siècle, la tombe de Niégoch au sommet du Lovtchène fut profanée, afin de désacraliser ce haut lieu aux yeux des Serbes. Si les occupants austro-hongrois, fauteurs de la première profanation, avaient toutefois épargné le sommet du Lovtchène et remis les cendres de Niégoch à l'Eglise orthodoxe, les communistes, fauteurs de la seconde, s'acharnèrent sur la cime même du Lovtchène, la détruisirent afin d'y élever, sous prétexte d'honorer Niégoch, un sinistre cachot, l'actuel mausolée, où les cendres du barde croupissent emprisonnées. Peut-être ne seront-elles pas l libérées et ne seront-elles rendues à leur temple qu'avec la libération définitive du peuple serbe.

L'aspect actuel du Lovtchène défiguré par Mestrovic et Tito

Deuxième considération: pour pouvoir donner des leçons d'humanité et de tolérance à qui que ce soit, il faudrait appartenir à une nation de saints, ce qui n'est nullement le cas de MM. Grmek, Gjidara et Simac.
Bien au contraire! La Croatie de Pavelic avait érigé l'extermination des Serbes et des Juifs en politique d'État, qui fut perpétuée dans la Croatie de Tudjman à l'encontre des Serbes. Leur nombre en Croatie, à la suite de cette politique systématique de terreur, tomba de 26% à la veille de la Seconde guerre mondiale à 12% au lendemain de la guerre, pour descendre, après le présent conflit, à seulement 3%. Quel plus évident et plus effarant exemple du nettoyage ethnique que celui-ci?!
D'autre part, il y avait quelque insolence, de la part de ces trois Croates, à accuser les Serbes d'antisémitisme à cause d'un ancien poème anonyme, au moment même où l'antisémitisme du président Tudjman, dont Grmek, Gjidara et Simac étaient en France des hommes-liges, faisait scandale au point que le publiciste britannique Richard West dans le Guardian qualifiait Tudjman, déjà en 1992, d'apologiste d'Hitler.
Il faut aussi ajouter que les trois apôtres croates de la tolérance religieuse, étaient particulièrement mal placés pour défendre l'islam contre Niégoch, puisque au moment où ils le faisaient, en 1993, se déroulait en Bosnie la guerre la plus meurtrière entre les Croates et les musulmans, une guerre fomentée et entretenue en hommes et en matériel par le régime de Tudjman. Par ailleurs, le fait d'avoir au sein de sa propre nation, un idéologue aussi fougueux de la haine interethnique, qu'est Ante Starcevic, véritable mauvais génie des Croates, devrait inciter les trois accusateurs des Serbes à plus d'humilité.
Troisième considération: les hommages que vous avez entendus et qui émanent des plus illustres Croates depuis plus d'un siècle et demi, ne fait que révéler toute l'imposture et toute la dérision de l'entreprise de trois obscurs détracteurs de Niégoch, de Vouk, de Karageorges et d'autres Serbes célèbres. Il n'est tout de même pas possible que Vraz, Mazuranic, Preradovic, Nazor, Krklec, Barac ou bien Jelacic, Strossmayer, Mestrovic soient dans l'erreur au sujet de Niégoch et que Grmek, Gjidara et Simac soient dans la vérité. Bien au contraire, devant tant d'éloges prodigués à Niégoch par de plus éminents Croates, ils n'apparaissent que davantage dans leur mauvaise fois, dans leur malveillance, dans leur goujaterie.
D'autre part, il est évident que si on brûlait Vouk et Niégoch comme le proposent les trois contempteurs croates de ces deux grands hommes serbes, la culture croate s'en trouverait terriblement dévastée. D'abord, la littérature croate serait privée de tous ces beaux poèmes dont je vous ai lu des extraits, mais surtout elle serait dépossédée de sa plus grande śuvre poétique qu'est La Mort de Smaïl-aga Tchengitch . D'autre part, les Croates se verraient rejetés dans l'état inarticulé de leurs dialectes locaux, tchakavien et kaykavien, qu'ils avaient utilisés avant d'adopter, à la suite de l'Accord littéraire de Vienne, en 1850, le dialecte de Vouk, le chtokavien, formé, cristallisé, codifié en tant que langue littéraire, dans d'innombrables poèmes, récits et proverbes serbes au cours des siècles.
Quatrième considération: les trois Zoïles croates, en s'attaquant aux plus grands hommes et aux plus hautes valeurs de la nation serbe, ont fait preuve d'une telle mauvaise fois et d'une telle inculture, surtout vu l'admiration que portaient les plus grands Croates à Niégoch et à Vouk, que leurs tristes gesticulations ne mériteraient même pas que l'on s'en occupe. C'était même l'avis de certains. Or, c'est non seulement oublier que la bouche d'un calomniateur est plus meurtrière que la bouche d'un canon, mais également que la psychose collective antiserbe était alors à son comble en France et en Occident. À ceci s'ajoutait une totale ignorance, car qui, parmi les faiseurs d'opinion, journalistes, intellectuels, hommes politiques, savait ce qu'un Ami Boué, un Xavier Marmier, un Louis Leger ou un Gabriel Marcel avaient écrit sur Niégoch et les Serbes, et encore moins un Mazuranic, un Preradovic ou un Nazor?
Toujours est-il que les humanistes parisiens, constamment avides de se mettre du Serbe sous la dent, s'empressèrent de recommander l'ouvrage révisionniste au public. Christine Ockrent, la compagne de Bernard Kouchner, le fit à la télévision, Alain Finkielkraut à la radio, François Fejtö dans Le Monde, d'autres ailleurs, leur message aux Français consistant à peu près en ceci: lisez ce livre pour vous rendre compte de ce que sont les Serbes y compris leurs grands hommes! On connaît la suite de la maudite chanson, force de l'avoir entendue toutes ces années: qu'attend donc l'Onu, qu'attend la communauté internationale, qu'attend l'Otan pour frapper les Serbes?! Et les instances interpellées d'exaucer bientôt les vśux des instigateurs au meurtre.
Et puisque mon exposé traite de Niégoch dans la tourmente yougoslave, je dois vous dire que c'est au plus fort de la satanisation des Serbes, en particulier des Serbes de Bosnie contre lesquels l'enfer planétaire alors faisait rage, que leur chef, Radovan Karadjitch, descendant du voïvode Chouyo Karadjitch qui combattit le terrible Smaïl-aga Tchengitch, fit instaurer la plus haute distinction de la République serbe, l'Ordre de Niégoch: astre resplendissant avec en son milieu d'émail bleu, le sanctuaire tant martyrisé du mont Lovtchène. Il existe parfois dans certains événements de l'histoire une logique si profonde qu'on la croirait providentielle.
Il reste cependant que l'ouvrage Le nettoyage ethnique de Grmek, Gjidara et Simac avec le livre Vie et mort de la Yougoslavie de Paul Garde, un accentologue promu soudain au rang d'historien des peuples yougoslaves, a considérablement terni l'image des Serbes dans l'opinion française et occidentale. Et pour n'en prendre qu'un exemple j'ai retrouvé jusqu'à dans la prestigieuse revue américaine Foreign Affairs, des citations du livre de Grmek-Gjidara-Simac, par William Pfaff, éditorialiste dans l' International Herald Tribune et dans le Los Angeles Times, qui s'appuyait sur cet ouvrage dans ses propres analyses de la situation dans les Balkans.
Ceci m'amène à ma cinquième et dernière considération qui est plutôt une objection nous concernant, nous les Serbes. La voici: la mise au point à laquelle j'ai procédé devant vous ce soir, ne vient-elle pas trop tard, à présent, que les Croates ont eu gain de cause, que le sort du peuple serbe semble être scellé, que l'âme des nations est polluée par l'antiserbisme, que l'inquisition de La Haye est bien en marche, que la grande Amérique, sous la conduite de M. Clinton, se comporte en mercenaire de l'islam en Europe car, comme vous le savez, l'engagement américain en Bosnie, ainsi que le fonctionnement du Tribunal de La Haye, est essentiellement financé par les pays riches du monde musulman.
Objection des plus justes, car il est en effet impardonnable qu'il n'y ait pas encore eu non pas un, mais plusieurs livres-réponses à l'ouvrage des trois attaquants de la mémoire serbe. C'est que les dirigeants politiques aussi bien que les élites intellectuelles serbes, ont failli à leur devoir d'organiser la défense adéquate, médiatique et diplomatique du peuple serbe si bien que ce peuple, l'un des plus éloquents du monde, comme en témoigne sa grande littérature, est pratiquement demeuré sans voix dans ce drame où se jouait son destin. Oui, malgré les immenses forces, politiques, médiatiques, économiques, militaires, liguées contre les Serbes, on aurait pu faire bien davantage.
Pour ma part, j'ai préparé et porté en moi pendant des années la réponse dont je ne vous ai livré que quelques éléments ce soir. Cependant, quelle que soit la puissance de nos adversaires, ce n'est pas une raison de baisser les bras, de fléchir, de se décourager. Niégoch n'a-t-il pas dit que

«De nouveaux défis engendrent de nouvelles énergies.»

Нове нужде рађу нове силе.

Aussi, chaque injustice doit-elle nous inciter à śuvrer à davantage de justice, chaque mensonge à davantage de vérité. L'enseignement du Christ, qui est le plus secourable que l'homme ait jamais reçu, ne nous apprend-il pas que c'est lorsque les adversaires du bien croient avoir tout réglé, en crucifiant le Juste et en pensant l'avoir rejeté dans le néant, c'est précisément alors que tout commence, la lumière de la résurrection, le triomphe de la justice et de la vérité en même temps que la perdition et la damnation éternelle de faiseurs et de serviteurs du mal. J'ai l'intuition qu'il en sera pareillement de la vérité serbe crucifiée et que notre travail n'aura pas été en vain. Je vois même l'échafaud de La Haye que l'on a préparé pour les Serbes, s'écrouler sur ceux qui l'ont dressé.
C'est justement la certitude d'être dans la vérité qui m'a aidé à endurer avec la plupart d'entre vous toutes ces années noires, cette vérité qui est l'une des catégories, l'une des essences divines de l'homme, et que j'ai tenté de rétablir ce soir sur l'un des plus grands hommes du monde, Niégoch.