L’AGONIE DE L’EUROPE AU KOSOVO

    "Au fond des victoires d'Alexandre, on trouve toujours Aristote." Charles de Gaulle

 

 

L’AGONIE DE L’EUROPE AU KOSOVO

Lorsqu’il y a un mois, dans le cadre de notre mouvement souverainiste, le professeur Jean-Paul Bled et moi-meme, en envisageant cette réunion, nous nous mîmes d’accord pourl’appeler Du Kosovo a la Mésopotamie: la civilisation en danger, nous faisions un simple constat des ravages déja provoqués par la politique désastreuse des dirigeants occidentaux dans les Balkans et au Proche et au Moyen-Orient. Cependant nous n’imaginions pas qu’une nouvelle vague de barbarie allait se lever si vite dans le sud-est européen, et que de nouveaux dégâts ne tarderaient pas a y etre infligés a la civilisation. Or, c’est exactement ce qui vient de se produire au Kosovo lorsque, le 17, le 18 et le 19 mars, une trentaine d’églises et monasteres chrétiens orthodoxes de diverses époques, allant du XIIe au XXe siecle, ont été incendiés par les Albanais. En meme temps ils ont attaqué les Serbes vivant depuis toujours autour de ces hauts lieux, en assassinant les uns, en molestant et en chassant les autres, en pillant leurs biens et en brulant leurs maisons. Le cauchemar séculaire albanais se poursuit au Kosovo.

Laissant a notre ami Ninoslav Randjélovic de témoigner, images a l’appui, de l’étendue de la catastrophe, je me limiterai a citer un seul de ces joyaux de l’architecture et de la peinture murale médiévales, ayant péri dans les flammes allumées au Kosovo par les élus et les protégés des médias et des politiciens de l’Ouest, les Albanais: la Bogorodica Ljeviska, Notre-Dame de Prizren, fondation pieuse du roi Milutin, fils du roi Uros et de la reine Hélene d’Anjou, datant du tout début du XIVe siecle. Ce sont donc huit siecles du patrimoine européen qui viennent de sombrer dans la nuit barbare au Kosovo et, si les mesures les plus urgentes ne sont pas entreprises, le meme sort attend d’autres splendeurs de la civilisation qui y demeurent encore, notamment l’ensemble des églises du Patriarcat de Petch du XIIIe siecle, l’église de la Vierge a Gracanica et du Christ Pantocrator de Decani, élevées dans les années 20 et 30 du XIVe siecle. De toute évidence, et contrairement a ce que proférait, au lendemain de l’occupation du Kosovo par l’OTAN en été 1999, l’apôtre de la guerre dite humanitaire, Bernard Kouchner, que l’Europe était née au Kosovo, pendant qu’elle y recevait des coups terribles avec la vague de la terreur albanaise qui s’abattait alors sur les Serbes, l’Europe, au cours des cinq années écoulées, n’a cessé d’y agoniser. Et la preuve en est que les 250.000 Serbes, poussés alors a l’exode, n’ont pas encore regagné leurs foyers, que pres de 150 de leurs églises et monasteres ont été détruits, que le crime, la prostitution, le trafic des etres humains et l’insécurité totale regnent dans la province. Le constat est terrible: loin d’etre ce phare de l’Europe, annoncé par le pitre humanitaire, le Kosovo en est devenu le trou noir.

Alors, des questions se posent: comment se fait-il qu’au moment meme ou l’Europe se constitue en une vaste communauté de nations ou chacune d’elles est sensée s’intégrer avec son patrimoine, un espace ethnique et culturel éminemment chrétien y disparaît a jamais? Comment se peut-il qu’au bout de cinq siecles d’occupation turque du Kosovo, malgré les massacres et les exodes, s’y maintenait en 1912, a la veille de la libération du Kosovo, plus de 50% de Serbes; qu’a la fin de quatre années d’occupation fasciste italo-allemande de la province en 1945, il en subsistait encore 25%; et qu’en 1990, au terme de cinquante ans de regne communiste antiserbe, il en demeurait quelque 12%, alors qu’apres ces cinq dernieres années de la présence de l’OTAN, de l’ONU et de l’Union européenne au Kossovo, il risque de ne plus y rester un seul Serbe? Est-il concevable, enfin, que d’un millier d’églises a l’époque médiévale au Kosovo, quelque 200 ont survécu aux 500 ans d’oppression turque et de regne de l’islam dans les Balkans, alors que, apres cinq ans seulement d’administration de la province par la fameuse communauté internationale, il est certain que, si les choses continuent de suivre leur cours fatal actuel, il n’en subsistera plus aucune? Nos humanistes et nos démocrates auraient-ils été plus efficaces, se seraient-ils montrés plus dévastateurs que ces régimes, l’un plus tyrannique que l’autre, qui les ont précédés et a l’ombre desquels les Albanais s’étaient emparés en grande partie du Kosovo, alors qu’ils en sont a présent les maîtres absolus?

La réponse a ces graves interrogations est simple et tient dans le fait, extremement accablant pour les dirigeants occidentaux, que toutes leurs décisions concernant les problemes de l’ex-Yougoslavie ont été systématiquement prises non pas en fonction des réalités historiques, ethniques et religieuses sur le terrain, mais en fonction d’abstraits criteres idéologiques tels que les droits de l’homme et la démocratie. Selon la fable, créée et entretenue par les médias, les Albanais et les islamo-bosniaques, oppresseurs séculaires des Serbes, en seraient avec les Croates, tres respectueux, alors que les Serbes ne le seraient point et qu’il fallait le leur faire expier. Lorsque nous soutenions, dans la mesure ou nous en avions l’occasion, face a nos oracles médiatiques et politiques, que les déchirements en ex-Yougoslavie s’expliquaient par l’histoire tourmentée de ses peuples, ils répondaient qu’il n’en était rien, et appelaient aux frappes aériennes de l’OTAN contre les Serbes, tout comme Gobbels menaçait de sortir son revolver quand on lui parlait de culture. Or, tenter de résoudre les conflits entre les peuples, en occultant et en pervertissant leur passé douloureux, équivaudrait a vouloir traiter les malades sans tenir compte de l’histoire de leur maladie, comme cela se passe effectivement dans les comédies de Moliere, avec des résultats tout aussi désastreux que ceux de nos politiciens qui font fi de l’histoire des nations. Il ne faut point s’en étonner, puisqu’on n’a pas trouvé de meilleur remede a appliquer aux profondes plaies balkaniques, que les tartufferies du docteur Kouchner et de ses comparses.

A ce scandaleux refus et mépris de l’histoire en faveur de l’idéologie, s’ajoute la fixation démographique excluant tout autre raisonnement: les Serbes ont eu beau élever de magnifiques temples a la gloire du Christ au Kosovo, y subir le martyre pour la défense de leur foi et créer, par la suite, la sublime Epopée du Kosovo, l’une des perles de la poésie universelle — n’importe ! le Kosovo, par la volonté de décideurs extérieurs, ne peut pas etre aux Serbes ! Il doit, toujours selon ce meme arbitraire, appartenir aux Albanais du fait qu’ils y sont majoritaires sans pour autant se demander d’ou vient une telle multitude au cour de la Serbie, ni sans tenir compte qu’ils n’y aient aucune trace de leur civilisation, absolument rien, hormis le nombre et la violence. L’autre facteur néfaste, indissociable du précédent, dans le traitement des problemes balkaniques, constitue le comportement des médias qui, irresponsables, ignorants, conformistes ou corrompus, n’ont fait, en ce qui concerne les Serbes, que mener depuis de ongues années un combat gigantesque contre la vérité, au lieu de la dispenser. Ils n’ont cessé de diaboliser les Serbes et d’angéliser leurs adversaires, que ce soient croates, islamobosniaques ou albanais; d’amplifier les crimes serbes, et de dissimuler, justifier voire exalter comme des exploits ceux des autres; d’occulter les malheurs serbes ou de s’en gausser, et de pleurer sur ceux des parties adverses; de s’emparer de la moindre rumeur lancée au sujet des Serbes comme d’une vérité établie, et d’ignorer les évidences les plus absolues quand elle viennent de la part de ces derniers.

On les a vus encore ces temps-ci présenter les pogroms albanais sur la population serbe comme des affrontements interethniques, et propager la fable des enfants albanais prétendument noyés par des Serbes, malgré les démentis des responsables civils et militaires internationaux sur place, et malgré leurs affirmations, réitérées par le Secrétaire général de l’OTAN, que la derniere vague de la terreur albanaise était bien planifiée afin de parachever le nettoyage ethnique du Kosovo. D’autre part, tout comme ils ont tu la vérité concernant plus de 70 soldats français tués et pres de 700 blessés par les forces musulmanes lors de la guerre de Bosnie, les médias ne mentionnent que du bout des levres la soixantaine de soldats de l’OTAN qui viennent d’etre blessés, dont certains grievement, par les Albanais, et se gardent surtout d’en montrer une seule image. Évidemment, il faut cacher la honte que ces chers Albanais, dont l’OTAN s’était fait le glaive contre les Serbes, aient pu infliger une telle raclée a leurs propres libérateurs. Imaginez un peu le déchaînement des médias, si les Serbes avaient non seulement blessé mais simplement égratigné certains de ces soldats, les imprécations qu’ils n’auraient pas manquées de lancer contre les Serbes, les appels a leur écrasement, comme cela s’est produit, a la suite de telle ou telle imposture, celle de Markalé ou de Racak, de nombreuses fois durant les trois derniers lustres.

Il faut y ajouter l’incroyable aveuglement dont a constamment fait preuve la classe médiaticopolitique de l’Ouest, ainsi que la plupart de nos démocrates serbes, qui consistait a considérer Slobodan Milosevic comme la cause de tous les maux de l’ex-Yougoslavie, et a croire que, une fois le terrible tyran déchu, une paix et une concorde multiethnique exemplaires s’installeraient a jamais au cour des Balkans. Or, depuis trois ans que, Milosevic n’est plus aux affaires, mais au fond de la geôle de la Haye d’ou il se défend âprement, les choses ne se sont guere améliorées, bien au contraire. C’est que les vieux démons albanais antiserbes que l’Occident avait si imprudemment mis sous son aile protectrice et érigés en sa valeur supreme, ne connaissent pas de répit et continuent de s’agiter.

Voila, et j’en passe, pourquoi depuis des années dans cette partie de l’Europe, on va du mal au pire, le mot de l’Évangile: le mensonge est le mal et le pere du mal, se révélant une fois de plus dans toute sa véracité. Cependant, en ce qui concerne les chefs-d’ouvre de civilisation assassinés au Kosovo, diffusons-en les hautes images via Internet, envahissons-en l’univers, accueillons-les dans notre âme ou elles seront invulnérables, le Kosovo étant non seulement un espace terrestre livré en pâture au mal, mais également et surtout, par sa dimension historique, spirituelle, morale, culturelle, un espace privilégié de l’absolu et, donc, indestructible. Le Kosovo est immortel.

Komnen BECIROVIC.

Allocution prononcée a la réunion “Du Kosovo a la Mésopotamie: la civilisation en danger”, tenue a la Sorbonne, a Paris, le vendredi 26 mars 2004.